Le PLM (Product Lifecycle Management), ou gestion du cycle de vie du produit, est un concept connu mais qui n’a pas encore trouvé sa pleine réalité. Nombres d’articles et publications ont été écrits à son sujet. Pourtant, force est de constater que cette notion n’a pas encore atteint sa pleine compréhension ni adhésion.

Les outils de PLM n’ont pas répondu aux attentes

Pour un industriel, il est plus naturel de se concentrer sur l’optimisation de ses processus opérationnels (achats, production ou vente) dont l’efficience est jugée clé dans la performance de l’entreprise, que sur des problématiques transverses aux fonctions de l’entreprise pour lesquels les indicateurs de performance sont moins synonymes de réductions de coût. Pourtant, tous les plus grands cabinets mondiaux de conseil en stratégie reconnaissent que le succès durable d’une entreprise se joue sur le positionnement et la maîtrise de son offre. Le PLM, dans son acception la plus large, a justement vocation à y contribuer fortement.

Le PLM est encore considéré par la plupart des dirigeants comme un outil d’ingénieurs, incapable de gérer la masse croissante d’informations produites par leurs logiciels d’aide à la conception. Une affaire de spécialistes et de techniciens. Il faut reconnaitre que le bilan des projets PLM réalisés jusqu’ici a plutôt tendance à conforter cette vision. En effet, rares sont les applications PLM qui ont débordé du cadre de la gestion des données CAO et plus spécifiquement des données CAO mécaniques.

Des produits et des services de plus en plus complexes

Un certain nombre d’éléments de contexte sont néanmoins en train de changer la donne et vont inévitablement contraindre les entreprises à élargir leur vision du PLM et de ses enjeux. Parmi eux, le déplacement des offres des produits vers les services, l’émergence de l’industrie 4.0 et d’une manière générale la complexité croissante des produits, des organisations industrielles et des contextes d’usage.

Ces facteurs de complexité croissante, qui apparaissent dans le développement et la mise sur le marché des nouveaux produits, devraient amener les directions générales à s’intéresser au PLM. La conséquence ultime d’un défaut de maîtrise de ses produits est sans aucun doute l’engagement de la responsabilité des dirigeants vis-à-vis de la mise sur le marché d’un produit dangereux, ayant des impacts directs sur notre santé, l’environnement ou la sécurité.

Les nouveaux enjeux de traçabilité

Viennent ensuite les conséquences économiques d’un produit défectueux ou non conforme aux normes qui lui seraient applicables. Dans un monde toujours plus judiciarisé où le pouvoir du client pèse tous les jours davantage, en particulier aux États-Unis, les exemples ne manquent pas et stigmatisent la responsabilité des entreprises vis-à-vis des produits qu’elles vendent.

Il serait évidemment beaucoup plus simple et confortable de considérer que ces problèmes résultent de défaillances ou d’incompétences humaines. Il convient cependant d’admettre que la maîtrise de la complexité globale qui gouverne aujourd’hui le cycle de vie d’un produit ne peut raisonnablement être confiée, sans contrôle, à une poignée d’individus omniscients, fussent-ils particulièrement brillants.

Même les produits en apparence les plus simples, deviennent de plus en plus complexes à mettre sur le marché. Ne serait-ce que parce que les normes et règles environnementales, de sécurité, de santé, douanière, REACH ou ROHS… ne cessent de s’alourdir.

Intégrer toutes les disciplines et les partenaires

Les contraintes externes auxquelles doivent répondre les entreprises sont nombreuses. Nous avons évoqué ci-dessus les normes et règles externes, mais nous pourrions valablement y ajouter la multiplicité croissante des disciplines nécessaires pour réaliser un produit, l’éclatement de la chaine de valeur avec la multiplication des partenaires à toutes les phases du cycle de vie du produit, les produits vendus comme des services, et les objets connectés.

Si le nombre des normes est en constante augmentation et leurs champs d’application ne cessent de s’élargir, les moyens à mettre en œuvre pour apporter la preuve qu’on s’y conforme sont eux de plus en plus exigeants en matière de maitrise de l’information alors que les processus pour la collecter deviennent transverses à toute l’entreprise.

On peut prendre pour exemple l’IDMP (Identification of Medical Products) qui impose aux laboratoires pharmaceutiques la manière d’exposer aux tiers plus de 700 caractéristiques d’un même médicament issus de la plupart des fonctions de l’entreprise (R&D, Supply Chain, Production, Qualité…).

L’intégration du logiciel et de l’IoT

Les produits eux-mêmes deviennent plus complexes, le pourcentage des produits mis sur le marché qui restent exclusivement mécaniques devient minime. La part d’électronique et de logiciel dans la plupart des produits ne cessent d’augmenter et l’avènement de l’IoT ne fait qu’accélérer le phénomène. Pour exemple, dans une voiture haut de gamme, la part de la composante mécanique dans la valeur ajoutée totale n’excède plus guère 30% et il y a plus de lignes de code logiciel dans une berline que dans un avion Rafale.

La coordination des modifications des activités logicielles et mécaniques, qui ont par essence des fréquences et des temps de cycles très différents, est devenue un casse-tête pour les entreprises. La variété des outils d’analyse et d’aide à la conception qui sont nécessaires à la mise au point d’un produit, et dont il faut coordonner la production d’information pose des problèmes de cohérence majeurs.

Les montages industriels, qui concourent à créer des produits ou des services, sont également de plus en plus complexes. Plus aucun produit ou presque ne se développe encore dans le garage de son concepteur et la multiplication des parties prenantes commencent souvent dès les phases d’innovation. La coordination efficace de ces acteurs passe par conséquent par une maitrise de la collaboration et du partage d’une information pertinente.

L’émergence du jumeau numérique et de l’IoT

Le déplacement des offres de produits vers des offres de service fait émerger la notion de jumeau numérique du produit et l’apparition d’objets connectés permettant d’offrir un service à valeur ajoutée. La notion de jumeau numérique permet d’avoir une parfaite connaissance du produit support de l’offre de service ; et l’objet connecté de pouvoir contrôler et anticiper l’usage de ce produit et d’adapter le service en conséquence.

Pour être pleinement efficace, ces concepts réclament une totale continuité numérique du cycle de vie du produit dont l’enjeu est de capturer le « pourquoi » des choix qui ont été opérés tout au long de celui-ci. Sans cette connaissance, le rebouclage entre l’usage d’un produit et les évolutions à lui apporter pour améliorer le service apporté à l’utilisateur est vain.

Ne pas répondre à ces nombreux facteurs de complexité c’est prendre le risque comme nous l’avons évoqué plus haut de sortir de son marché du fait de produits défaillants, non maitrisés ou encore d’être soumis à des pénalités potentiellement insupportables.

Capter l’ensemble des informations en interne et en externe

La clé est de s’assurer de la captation continue des informations nécessaires mais surtout de maitriser les impacts des évolutions qui s’opèrent tout au long du cycle de vie d’un produit et de l’ensemble de ses composants. Supposons, pour exemple, que le retour d’expérience d’un client montre qu’un produit présente des lacunes avérées, conduisant à envisager de remplacer un de ces organes. L’étude de ce remplacement devra prendre en considération l’ensemble des conséquences potentielles, la conservation des performances annoncées et de la conformité à l’ensemble des normes applicables (possiblement légèrement différentes des précédentes), l’impact sur les techniques, moyens et coûts de production, sur la maintenabilité du produit, sur la documentation technique et marketing et bien d’autres aspects encore.

Si ce besoin peut apparaitre effectivement comme une parfaite évidence, les solutions à mettre en œuvre pour y parvenir de façon efficiente et pérenne le sont beaucoup moins.


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